Des méga-serres pour des tomates ? « Les petits producteurs ne peuvent pas rivaliser avec cette concurrence déloyale ! »
Jeanne – Pourquoi ce collectif et comment a-t-il été créé ?
Suite à la vente de plusieurs maisons d’un hameau, les riverains de la commune d’Isigny-le Buat ont eu vent du projet d’agrandissement de l’entreprise de serres de tomates (en l’occurrence de passer de 12 hectares à 32 hectares, soit 20 hectares de plus, avec des cultures de tomates hors-sol). Ces riverains se sont donc réunis à plusieurs reprises pour développer une lutte locale et tout faire pour bloquer ce projet. Une partie de cet agrandissement était prévu en 2025 et la seconde partie en 2026.
Pour aller plus loin : « Une autre agriculture est possible » – Jean-Luc Mélenchon s’est exprimé à la suite de sa visite de la ferme GAEC des Mélèzes
Jeanne – Comment se passe la relation avec les autorités, le chef d’entreprise de ces serres à tomates et le monde agricole en général ?
La relation avec la mairie est cordiale, ils sont dans la retenue. Au début, le patron, Rik van den Bosch (qui a aussi une entreprise à Brécey, une commune environnante), a voulu nous rencontrer. Il a essayé de nous rassurer, mais comme cela n’a pas fonctionné, il nous a simplement ignorés.
La FNSEA ne réagit pas et s’est abstenue pendant le vote de la CDPENAF (Commission départementale de préservation d’espaces naturels, agricoles et forestiers). La Confédération Paysanne est la principale organisation d’opposition, mais sinon les agriculteurs ne se manifestent pas, sauf quelques maraîchers et un agriculteur qui n’a pas eu le droit de racheter les terres autour du hameau alors qu’il était dans son bon droit. La CDPENAF a rendu un avis consultatif défavorable.
Jeanne – Quels sont les problèmes que posent ces serres ?
Plusieurs ! Déjà d’un point de vue environnemental et de protection de la faune et la flore : artificialisation des sols, atteinte à la biodiversité et à l’eau, alors que la DTTM (Direction des territoires et de la mer) de la Manche prévient que ce département n’est plus à l’abri de plusieurs épisodes de sécheresse depuis 2017, avec un été particulièrement inquiétant en 2022, le plus chaud depuis 1949) pollution visuelle et lumineuse (jusqu’à 1 heure du matin et très tôt le matin, une lumière rose), répercussions sur la santé des hommes, une pollution due aux transports et la banalisation de culture hors sols qui conduit à la consommation de tomates en toutes saisons.
L’un des arguments était les retombées économiques, mais il n’y en a si peu, car les emplois sont pourvus par des travailleurs détachés. Travailleurs détachés (Europe de l’Est, Bulgarie et Turquie) qui ne sont pas intégrés du fait de leurs difficiles conditions de travail. De plus, les petits producteurs ne peuvent pas rivaliser avec cette concurrence déloyale. Alors que l’on sait que les petits agriculteurs, paysans ou producteurs vivent dans une grande précarité ! Puis aussi, le fait que des maisons habitables soient détruites.
Jeanne – Vous avez fait venir entre 400 à 500 personnes à une manifestation le samedi 16 Novembre 2024 à Isigny-le-Buat, ça s’est bien passé ?
Oui, nous avons fait une réunion publique et un pique-nique, puis un atelier « Partage ta tomate ». Nous voulions montrer notre détermination à lutter contre cette abomination écologique et sociale, mais en étant dans une démarche joyeuse. Il y a eu un bon accueil, c’était bon enfant, intergénérationnel et il y avait du monde en dehors de notre département. Ce fut une réussite ! Nous avons aussi lancé une pétition, qui a réuni 1 700 signatures. Lapréfecture de la Manche a mis le holà sur ce projet, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Jeanne – Quelle est la suite maintenant ?
Malgré cette bonne nouvelle, nous ne sommes pas à l’abri d’un recours. Nous allons donc être vigilants, surveiller les textes de lois et les permis. Nous allons prochainement rencontrer les adjoints de la mairie d’Isigny-le-Buat. Nous ne sommes pas contre les serres comme elles sont actuellement, c’est impossible, elles sont déjà là, mais contre un agrandissement, qui serait abusif et dangereux pour l’environnement et accentuerait la concurrence déloyale envers les petits producteurs.
Sources: linsoumission.fr