Ferroviaire. Ce mercredi 11 décembre, les syndicats CGT-Cheminots et Sud Rail ont appelé à la grève reconductible pour exiger un moratoire sur le démantèlement de Fret SNCF dont les 4 500 salariés doivent être transférés au 1ᵉʳ janvier vers deux nouvelles sociétés, Hexafret et Technis. Ce plan de démantèlement, appelé dans le jargon néolibéral « discontinuité économique », prévoit la cession de trains entiers à ses concurrents privés : cela représente 30 % de ses activités et 47 % des marchandises prises en charge jusque-là par l’opérateur public.
Il s’agit d’un pas de géant vers la privatisation du rail dont les exemples à l’étranger devraient pourtant suffire à décourager tout plan de cessions à la concurrence. Au Royaume-Uni, après près une vingtaine d’années de privatisation, la chambre des Lords a voté la renationalisation du transport ferroviaire. Accidents, retards, explosions des prix, la privatisation du rail avait entraîné des dégâts colossaux. Même topo pour l’Allemagne.
Côté échiquier politique, les insoumis se distinguent en combattant avec acharnement ce plan de discontinuité. Pour Bérenger Cernon, conducteur de train devenu député LFI, les choses sont claires : « Le Fret ferroviaire a besoin de subventions. La question de fond, c’est celle du service public. Un train transporte l’équivalent de 50 camions. Est-ce qu’on préfère 50 camions qui abîment la route, polluent, bouchent les routes et provoquent des accidents ? Ou un service public qui permet de transporter les marchandises grâce au ferroviaire, le moyen de transport le plus écologique ? ». Retour sur ces exemples étrangers démontrant que le le privé ne peut rien, sinon ponctionner l’argent public et dégrader tout ce qui tombe sous sa juridiction. Notre article.
Le cas britannique : quand la privatisation tue
Le 20 novembre, la chambre des Lords britannique vote la renationalisation du transport ferroviaire. Le réseau avait été privatisé au cours des années 90, contre l’avis des sept britanniques sur dix hostiles au projet. La privatisation totale a abouti en 1997.
Au lendemain de cette victoire du néolibéralisme, on aurait pu croire à une amélioration : les investissements rendent le réseau plus dense, et le nombre de passagers croît en flèche. Problème : dans le monde du privé, l’argent ne va qu’à l’argent. Le manque de rentabilité plombe les sociétés privées chargées de l’infrastructure. En quelques années, le réseau se dégrade, les entreprises se désinvestissent ; les conséquences sont – littéralement – mortelles.
Le 17 octobre 2000, le mauvais entretien des rails provoque un accident qui fait 4 morts et 70 blessés. Une enquête nationale est engagée : on découvre que toutes les lignes du pays sont touchées. Les entreprises privées n’investissent pas dans la sécurité et l’entretien : c’est couteux, ça rapporte peu, et ça profite à tout le monde. De quoi effrayer n’importe quel capitaliste conséquent.
L’État britannique essaye de sauver le naufrage à coup de subventions, rien n’y fait. L’entreprise Railtrack, en charge de l’infrastructure ferroviaire, fait faillite. Elle est remplacée par Network Rail, une entreprise à but non lucratif. Le réseau britannique redevient sûr, les rails sont entretenus à nouveau. Comme quoi, pour être efficace sous le capitalisme, il suffit d’en déjouer les règles.
Les Britanniques sont amers de l’expérience de la privatisation : les infrastructures ont, certes, été modernisées, mais seulement avec de l’argent public, les trains ont pris du retard, le cout des billets a explosé. Depuis la privatisation, les prix ont augmenté de 117 %, si bien que les Britanniques dépensent près de 15 % de leurs revenus dans les transports, contre 3 % en France. Aujourd’hui, 76 % de la population soutient la renationalisation.
Pour aller plus loin : Liquidation du fret ferroviaire – Macron et Bruxelles à la manœuvre
Le cas allemand : quand la privatisation échoue (mais que le marché gagne quand même !)
En Allemagne, la libéralisation du rail a laissé des trous béants dans les droits sociaux des salariés et les finances de l’Etat. À la réunification, les chemins de fer est-allemands et ouest-allemands sont mis en commun et le rail est ouvert à la concurrence. À une condition : l’État ne compte rien financer. N’importe qui peut entrer sur le marché, mais la vente des billets doit couvrir les coûts. Autant dire que personne ne se bouscule, vous comprenez, sans les subventions d’Etat en perfusion, c’est quand même moins attirant !
99 % du marché reste aux mains de la Deutsch Bahn (DB), qui appartient entièrement à l’Etat allemand. Pourtant, les droits des travailleurs ont tout de même été attaqués. Les syndicats ont dû se battre pour obtenir un statut unique de cheminot. En s’ouvrant au marché, la DB a laissé le statut de fonctionnaire à ceux qui le possédaient déjà, mais a employé tous les nouveaux arrivants sous la forme contractuelle. Autrement dit : libéralisation, avec ou sans aide de l’État, à la fin, c’est le marché qui gagne.
Le cas français : une ouverture à la concurrence combattue, mais déjà néfaste
En France, qu’en est-il ? L’ouverture à la concurrence et la privatisation ont été les priorités d’Emmanuel Macron dans le secteur des transports. Le désengagement de l’Etat a mené à l’abandon du fret ferroviaire, qui ne représente plus que 9 % du transport de marchandise. Ouvert à la concurrence depuis 2006, il est désormais délaissé ; et rien n’est fait pour le sauver.
En 2018, l’on avait assisté à une mobilisation historique des cheminots contre le projet de loi « pour un nouveau pacte ferroviaire ». Il avait finalement été adopté, ouvrant la concurrence en 2019 pour les trains régionaux (TER, Intercités) et en 2020 pour les TGV. Depuis, par exemple, TrenItalia assure le trajet Paris-Lyon. La privatisation est en marche, portée par la Macronie.
Alors que Macron se montre déjà offensif avec la SNCF, d’autres sont plus extrêmes encore. Par exemple, Éric Ciotti, désormais allié de Marine Le Pen s’était positionné pour une privatisation totale. Le plan est le même : toujours plus de privé, mais sous intraveineuse d’argent public, toujours moins de trains à l’heure, toujours moins d’entretien. Lorsque l’on sait ces propositions peuvent mener à des accidents mortels, il est d’autant plus urgent de protéger la SNCF.
Les propositions de la France insoumise
De son côté, la France insoumise propose un vaste plan pour le fret ferroviaire. Le mouvement défend un plan d’investissement massif pour la filière et notamment pour la SNCF, la réouverture des gares de triage, et le lancement d’un grand plan pour le développement du transport. Les camions de transit ne doivent plus traverser le pays en tous sens. Face à l’urgence de la crise climatique, LFI préfère opter pour des solutions écologiques et rapides, et faire vivre le réseau ferroviaire du pays.