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mercredi 25 décembre 2024

D’une motion de censure à l’autre : 1962, 2024, deux crises et deux tournants dans l’histoire de la Vème République (part1)

 La crise politique que l’on vit, et qui a commencé bien avant l’été 2024, peut marquer la clôture du cycle « présidentiel », ouvert par la crise de l’automne 1962 avec la dissolution réussie du général De Gaulle. En cette fin d’année 2024, Emmanuel Macron continue de se croire investi d’un pouvoir qu’il n’a plus. Sans majorité, ni futur, ni légitimité et au fond colonialiste, raciste, sexiste et homophobe, le roi est nu.

Dans ces circonstances, pour sortir de la crise politique, voilà ce que le gaulliste Louis Vallon préconisait en 1972 : «  Le Président de la République a besoin du soutien d’une majorité parlementaire. Si ce soutien venait à lui manquer et si les élections nouvelles qui suivent la dissolution ne lui permettaient pas de l’obtenir, le Président ne pourrait plus gouverner et serait contraint de démissionner. »

Qu’est-ce qu’une motion de censure ?

Le 4 décembre 2024, une motion de censure votée par la majorité absolue des députés contraint le gouvernement Barnier à démissionner. Cela marque, techniquement, le rejet du projet de loi de finance de la Sécurité sociale présentée par le gouvernement et sur lequel il avait engagé sa responsabilité par l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution. Rappelons que cet article, devenu un substantif à part entière – on dit « le » 49.3 – permet au gouvernement de faire passer un projet de loi en se passant d’une sanction des parlementaires : ni discussion ni vote. C’est une façon, pour le pouvoir exécutif, de contourner la représentation nationale. Cette procédure est amplement utilisée quand le gouvernement n’est par sûr de sa majorité mais qu’il considère que la majorité des députés ne souhaite pas sa chute ou n’y a pas intérêt.

Cela a d’ailleurs parfaitement fonctionné pendant plus de 60 ans : depuis 1962, pas une seule motion de censure n’a été adoptée. Il est vrai qu’en temps « normal », un tel vote entrainerait presque automatiquement la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République qui appliquerait alors l’article 12 de la Constitution. Seulement, en vertu de ce même article, « il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit » les nouvelles élections législatives. Or la dissolution d’E. Macron a eu lieu en juin 2024 ; les élections qui l’ont suivie se sont achevées le 7 juillet. Donc aucune dissolution n’est possible avant le 8 juillet 2025. Dit autrement, la dissolution est une arme à un coup et qui se recharge en un an. Ainsi, aucune riposte de ce genre n’est aujourd’hui possible pour l’exécutif face au législatif récalcitrant.

Ce n’est pas ce qui s’était passé en 1962. Nous nous proposons de rappeler les circonstances de la première – et pendant longtemps la seule – motion de censure adoptée par l’Assemblée nationale sous la Vème République. Les conséquences avaient été un renforcement de l’autorité et des pouvoirs du président de la République, ouvrant une pratique des institutions qui est peut-être en train de changer aujourd’hui, à la suite, justement, de la deuxième motion de censure qui ait fait mouche.

Un contexte important : l’immédiat après-guerre d’Algérie

Par les accords d’Evian signés le 18 mars 1962, le cessez-le-feu est décrété en Algérie, qui devient indépendante le 5 juillet suivant. C’est une ligne de fracture au sein de la droite française, une partie d’entre elle refusant, même sans le dire ouvertement, de faire le deuil de « l’Algérie française ».

La période qui suit les accords d’Evian est marquée par des attentats en grand nombre, et de plus en plus violents, menés par les terroristes de l’OAS (Organisation de l’armée secrète, proche de l’extrême droite, qui combat la solution de l’indépendance algérienne).

Le 8 avril 1962, un référendum entérine à une très large majorité les accords d’Evian. Renforcé dans son autorité, De Gaulle décide de renvoyer son premier ministre Michel Debré, principal rédacteur de la constitution de 1958, et partisan à la fois d’une Algérie française et d’un équilibre des pouvoirs entre le Président et le Parlement. Le 13 avril, il nomme Georges Pompidou pour le remplacer à Matignon.

Pompidou est un homme « nouveau », qui détonne dans le paysage politique d’alors. D’une part, il est issu du monde universitaire : normalien et agrégé de lettres, il a notamment enseigné à hypokhâgne (classe préparatoire littéraire) au lycée Henri IV, puis à Science Po Paris ; il est l’auteur d’une Anthologie de la poésie française. Après un passage dans les allées du pouvoir à la Libération puis dans la formation du RPF, le mouvement fondé par le général De Gaulle en 1947, il entre à la banque Rothschild en 1954 – appuyé, pour la petite histoire, par l’oncle de François Fillon. Pressenti pour former un gouvernement en 1962, la banque a « bien voulu [le] libérer pour le service de l’Etat », comme l’écrit Jean Lacouture, le biographe de De Gaulle. Circonstance aggravante pour lui, il ne vient pas de la Résistance, mais il ne s’est toutefois pas compromis dans la collaboration ; il a reçu la croix de guerre pour faits d’armes durant la campagne de 1940. Enfin, il n’a jamais été élu. Tout cela explique l’accueil très frais que lui réservent les députés lors de sa nomination à Matignon.

A suivre:Pompidou un premier ministre choisi hors du « sérail » politique














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