A la marge,celle qui relie les pages

lundi 31 juillet 2023

l'arroseur arrosé (saison 8)


Résultat du vote et remise en cause de celui-ci.

Le vote donne les résultats suivants :

  • sur la création d’une commission d’études historiques : 6 oui, 3 non (dont L. Meiss) ;
  • sur le principe d’un jury d’honneur « individualisé » : 5 oui, 3 non, 1 abstention.

Dans le Unzer Wort (Notre Parole) du 24 juin 1947, Henry Bulawko fait une ultime tentative :

[...] Un jugement a été rendu par le jury d’honneur et les gens de l’UGIF ont été condamnés. Mais tout à coup, je ne sais pour quelle raison, on a trouvé nécessaire de revenir sur ce jugement. […] L’Association des déportés n’a pas l’intention de mettre en doute l’autorité du CRIF, mais elle est d’avis que le jugement émis au sujet de l’UGIF n’est pas acceptable et qu’en fin de compte, cette question doit être remise à l’ordre du jour. Le CRIF est appelé à s’occuper de cette question, mais il faut que cela soit fait publiquement avec la participation des déportés. Il faut également prévoir que tous ceux qui ont quelque chose à dire soient entendus. [...] Les innocents doivent être blanchis mais les coupables doivent être chassés de notre communauté.

Mais le 8 juillet 1947, Léon Meiss inverse les résultats du vote du 17 juin en invoquant le fait que quatre absents à la réunion ont fait connaître leur opposition à la position alors majoritaire

L’affaire est enterrée, y compris le projet de commission historique. En juin 1949, les deux dirigeants de l’UGIF, André Baur et Raymond-Raoul Lambert– tous deux morts en déportation avec leur épouse et leurs enfants – sont élevés à titre posthume au rang de chevalier de la Légion d’honneur par le président du Conseil Henri Queuille. Prenant la parole lors de la cérémonie officielle, Léon Meiss « suggère la réhabilitation de l’ensemble de l’UGIF », déclarant aux familles présentes : « Vous avez dû souffrir de voir cet anathème lancé par des Juifs, nos frères, sur l’œuvre aussi bien que sur les hommes. »

Comment analyser les raisons qui poussèrent les principaux dirigeants du CRIF à escamoter au lendemain de la Libération le débat fondamental sur l’UGIF que beaucoup réclamaient et à esquiver l’essentiel des questions que pose André Kaspi et que nous avons citées en exergue ?

L’historien ne saurait évidemment se contenter de réponses manichéennes reprenant la vieille antienne selon laquelle les Israélites français voulaient marquer la pérennité de leur suprématie sur l’ensemble de la communauté juive organisée, au mépris des souffrances des Juifs d’origine étrangère. Cette grille de lecture, fort contestable déjà pour les années 1930, est infondée en ce qui concerne l’après-guerre, marqué au contraire par une volonté d’unité entre « autochtones » et « immigrés » comme en témoigne la création du CRIF. Du reste, les anciens clivages se brouillent en bien des occurrences. En 1948, la Fédération des sociétés juives de France, essentiellement implantée parmi les Juifs immigrés, est saisie par plusieurs organisations et notamment par les bundistes du journal Unzer Stimme (Notre Voix) du cas d’Elie Krouker, secrétaire général de la FSJF de 1924 à 1933, nommé secrétaire général du Comité de coordination en juin 1941 avant d’être désavoué pour sa soumission, jugée excessive, aux autorités d’occupation et remplacé par Marcel Stora. Un jury d’honneur est créé, qui renvoie d’abord dos à dos accusé et accusateurs. À la demande d’Elie Krouker, une nouvelle instance est alors mise en place, qui se réunit à sept reprises et fait connaître ses conclusions au début du mois de mai 1950 : Elie Krouker sort finalement blanchi des travaux de la commission, qui lui exprime sa « sympathique confiance ».

Force est donc de constater qu’au-delà des dirigeants des institutions juives de l’avant-guerre, qui constituent de fait l’armature de l’UGIF, c’est la quasi-totalité des organisations qui risquait de se trouver remise en cause et affaiblie par un « procès » fait à l’UGIF. Car la frontière entre légalisme et clandestinité avait été souvent fluctuante et des militants de la Colonie scolaire ou de l’OSE comme des EIF avaient eu une carte de légitimation de l’UGIF tout en menant des actions résistantes. À l’heure où il importait avant tout de se reconstruire, il y avait là un réel danger. D’autant que nombre de ces hommes et de ces femmes avaient péri en déportation.


A suivre: Interrogations sur les dirigeants du CRIF à ne pas aborder la question de l’UGIF de manière frontale.






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