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jeudi 27 juillet 2023

L'arroseur arrosé (saison 6)


 Des points de vue diamétralement opposés.
les travaux du jury d’honneur du CRIF n’ont pas été rendus publics mais des informations ont néanmoins filtré, qui suscitent l’indignation au sein des milieux immigrés – au-delà même des traditionnels clivages idéologiques entre communistes, bundistes et sionistes. Ainsi peut-on lire le 22 février 1946 dans Arbeiter Wort (La Parole du travailleur), périodique des Poale Zion de gauche :
Cette semaine est consacrée à l’évocation du malheur des enfants martyrs de France. On ne parle pas en particulier des souffrances extrêmes des enfants juifs ni du sort de nos orphelins, mais ce qui est le plus terrible, c’est le silence autour des crimes commis sur nos enfants par des Juifs eux-mêmes, par ceux qui avaient été imposés par l’ennemi comme dirigeants des populations juives spoliées, humiliées et privées de leurs droits pendant l’Occupation. Certains d’entre eux ont encore aujourd’hui l’audace de diriger des organisations juives et de se présenter comme faisant œuvre d’assistance alors qu’ils ont trompé nos enfants en leur donnant l’illusion qu’ils étaient en sécurité. Pourtant, ils savaient ce qui attendait ces petits martyrs, mais ils s’efforçaient de les réconforter en leur disant qu’il ne leur serait fait aucun mal, de crainte que les enfants ne se dispersent – ce qui les aurait privés, eux, les gens de l’UGIF, de leur gagne-pain et de leur précieuse carte de légitimation.
Le débat s’intensifie et le CRIF va devoir trancher.
Le 14 octobre 1946, Léon Meiss ouvre la séance, conscient, dit-il, que son opinion n’est sans doute pas celle de tous les membres du Conseil, mais, déclare-t-il solennellement :
Pour ma part, je prendrai mes responsabilités. Je dois dire que j’ai aujourd’hui une opinion très nette et en dehors d’une imprudence que l’on peut reprocher à une personne, il ne reste pas grand-chose. […] Nous n’avons pas à décerner des éloges mais nous n’avons pas le droit de condamner des actes qui, en mon âme et conscience, ne s’y prêtaient nullement.
À Isaac Schneersohn, fondateur du Centre de documentation juive contemporaine en avril 1943, demandant « si le CRIF ne devrait pas juger l’UGIF », L. Meiss répond :
Nous n’avons pas à juger l’UGIF en tant qu’institution. Lors de sa création, le CRIF n’existait pas, le Consistoire a pris une position. L’UGIF, en tant qu’institution créée par Vichy, est une institution condamnée. Les personnes qui ont participé à son fonctionnement ont payé chèrement les imprudences qu’elles ont pu commettre, des hommes de bonne foi y ont sacrifié leur vie et celle de leur famille. Quant aux personnes qui se sont expliquées devant nous, nous devons les condamner ou les laver d’une accusation infamante.
Une semaine plus tard – le 22 octobre 1946 –, Léon Meiss demande au Conseil de formuler définitivement son opinion dans l’affaire de l’UGIF, tout en soulignant que si le président Edinger « a peut-être eu le tort d’être crédule », « il a agi de bonne foi [...] ».
Les archives concernant les mois de novembre et décembre 1946 montrent l’âpreté croissante de la controverse. Ainsi l’Association des anciens déportés juifs écrit-elle le 19 novembre 1946 au président du CRIF – institution dont elle est membre – sous la plume de J. Frydman, représentant M. Furmanski, secrétaire général :
...] Nous, déportés, pensons avoir le droit d’exiger que toute la lumière soit faite sur cette affaire afin que l’épuration soit complète. [...] Il nous semble que le délai de 18 mois depuis notre retour a de beaucoup dépassé le temps nécessaire pour ne pas laisser l’affaire UGIF dans l’ombre comme cela nous semble être jusqu’à ce jour. [...] Nous souhaitons et espérons que le CRIF, auquel nous reconnaissons le droit et le devoir d’agir au nom de la communauté juive, entende notre appel et agisse comme il se doit dans l’honneur de la communauté juive, en ne laissant pas flétrir la mémoire de nos victimes.
Quelques jours plus tard, la même association demande à être reçue officiellement par le CRIF afin de pouvoir expliciter son point de vue sur l’affaire de l’UGIF :
[...] Nous nous verrons, au cas où aucun éclaircissement ne nous serait donné d’ici quelques jours, dans l’obligation de soulever la question devant l’opinion publique par toutes les voies possibles. Nous ne pouvons pas avoir d’égards envers ceux qui ont contribué directement ou indirectement à la mort de nos frères et nous pensons que si dans notre communauté il y a eu des traîtres, ils ne doivent pas rester impunis.
A suivre: le 16 Décembre 1946,le président du CRIF donne lecture d’un projet de jugement.

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