Les incidents du soir de la victoire du PSG ont été l’occasion pour
le Gouvernement, en la personne de Gérald Darmanin, de se lancer dans un
énième épisode de surenchère sécuritaire et carcérale. Pourtant, la
France n’a jamais autant incarcéré de son histoire.
Avec ses 81 599 pour 62 363 places disponibles, elle bat son propre – et triste – record de surpopulation carcérale qui est notamment pointé du doigt par le Conseil de l’Europe.
Mais surtout cette politique est inefficace, d’une « inefficacité
documentée », comme l’a rappelé le député LFI Ugo Bernalicis,
spécialiste sur les questions de sécurité et de justice. Voyons pourquoi
ça ne marche pas et comment répondre à ces problèmes. Notre article.
Pourquoi il faut sanctionner
Quand on parle de prison, le réflexe est souvent de se les présenter
remplies exclusivement de criminels. La réalité est qu’ils représentent
environ 21 % des personnes condamnées détenues.
Cette part est certes conséquente, mais ce serait une erreur de penser
l’ensemble du système carcéral uniquement sur eux. Gardons notamment
bien en tête que parmi les personnes incarcérées, près de la moitié d’entre elles le sont pour des vols, des infractions à la législation sur les stupéfiants ou des infractions routières.
À la façon des physiciens, considérons d’abord une expérience de
pensée, c’est-à-dire un cas théorique qui nous permettra d’isoler et de
mieux comprendre les grands principes à l’œuvre. Imaginons une personne
qui aurait grandi toute sa vie dans un village sectaire isolé du reste
du pays, sans internet ni radio ni télé. Imaginons maintenant que dans
ce village tous les habitants aient développé une peur et une haine
envers les vêtements de couleur violet. La première fois qu’il se rend
dans la ville voisine, il rencontre quelqu’un vêtu d’un T-shirt de cette
couleur, il l’agresse puis il est arrêté, jugé et déclaré coupable.
Une première question importante nous est posée : pourquoi faut-il le
punir ? Après tout, quelque part on pourrait dire que tout son
conditionnement ne pouvait l’amener qu’à cette réaction violente.
Avait-il les moyens de réagir autrement ? La première réponse à cela est
que nul n’est censé ignorer la loi. Il s’agit là de l’un des principes fondamentaux de la Justice qui permet d’assurer la cohésion de la société.
À cela vient s’ajouter le principe moral et philosophique de la responsabilité personnelle
qui est au cœur de l’idée humaniste et donc de la pensée politique de
gauche. Cette pensée nous dit que chaque homme et chaque femme est
auteur de soi-même et n’est donc pas complètement déterminé par son
environnement ou sa condition sociale. C’est en vertu de ces deux
principes que l’agresseur doit être sanctionné pour son acte.
Mais un responsable politique ne mérite pas d’être appelé
“responsable” s’il s’arrête à une sanction purement punitive. En effet,
son devoir lui intime de tout faire pour qu’il y ait le moins de
victimes possible et cela implique immédiatement deux choses. D’une
part, il doit penser la peine de façon à minimiser les risques de récidives. D’autre part, il doit chercher à comprendre et à réduire les causes de passage à l’acte en amont.
Dans notre exemple, il serait par exemple irresponsable de se
contenter d’enfermer l’agresseur pendant quelques mois et d’espérer les
yeux fermés qu’à sa sortie, il soit en paix avec la couleur violette. De
même, il faudrait évidemment intervenir d’une manière ou d’une autre
sur l’isolation de ce village et y désamorcer la situation.
Une troisième idée pourrait être d’augmenter drastiquement la peine
en espérant créer un effet dissuasif. À première vue, cela semble
logique. Mais, comme l’a rappelé Ugo Bernalicis sur LCP le 3 juin
dernier : « un tas d’études en sciences humaines montrent que le choc
carcéral qui est monté et mis en avant par la droite et l’extrême droite
ne fonctionne pas dans son but de faire diminuer à la fois la récidive
et à la fois le passage à l’acte ». Comme il le souligne ensuite, « aux US, on a incarcéré des tas de gens pour des durées extrêmement longues avec un impact nul voire négatif ».
Les incidents du soir de la victoire du PSG ont été l’occasion pour
le Gouvernement, en la personne de Gérald Darmanin, de se lancer dans un
énième épisode de surenchère sécuritaire et carcérale. Pourtant, la
France n’a jamais autant incarcéré de son histoire.
Avec ses 81 599 pour 62 363 places disponibles, elle bat son propre – et triste – record de surpopulation carcérale qui est notamment pointé du doigt par le Conseil de l’Europe.
Mais surtout cette politique est inefficace, d’une « inefficacité
documentée », comme l’a rappelé le député LFI Ugo Bernalicis,
spécialiste sur les questions de sécurité et de justice. Voyons pourquoi
ça ne marche pas et comment répondre à ces problèmes. Notre article.
Pourquoi il faut sanctionner
Quand on parle de prison, le réflexe est souvent de se les présenter
remplies exclusivement de criminels. La réalité est qu’ils représentent
environ 21 % des personnes condamnées détenues.
Cette part est certes conséquente, mais ce serait une erreur de penser
l’ensemble du système carcéral uniquement sur eux. Gardons notamment
bien en tête que parmi les personnes incarcérées, près de la moitié d’entre elles le sont pour des vols, des infractions à la législation sur les stupéfiants ou des infractions routières.
À la façon des physiciens, considérons d’abord une expérience de
pensée, c’est-à-dire un cas théorique qui nous permettra d’isoler et de
mieux comprendre les grands principes à l’œuvre. Imaginons une personne
qui aurait grandi toute sa vie dans un village sectaire isolé du reste
du pays, sans internet ni radio ni télé. Imaginons maintenant que dans
ce village tous les habitants aient développé une peur et une haine
envers les vêtements de couleur violet. La première fois qu’il se rend
dans la ville voisine, il rencontre quelqu’un vêtu d’un T-shirt de cette
couleur, il l’agresse puis il est arrêté, jugé et déclaré coupable.
Une première question importante nous est posée : pourquoi faut-il le
punir ? Après tout, quelque part on pourrait dire que tout son
conditionnement ne pouvait l’amener qu’à cette réaction violente.
Avait-il les moyens de réagir autrement ? La première réponse à cela est
que nul n’est censé ignorer la loi. Il s’agit là de l’un des principes fondamentaux de la Justice qui permet d’assurer la cohésion de la société.
À cela vient s’ajouter le principe moral et philosophique de la responsabilité personnelle
qui est au cœur de l’idée humaniste et donc de la pensée politique de
gauche. Cette pensée nous dit que chaque homme et chaque femme est
auteur de soi-même et n’est donc pas complètement déterminé par son
environnement ou sa condition sociale. C’est en vertu de ces deux
principes que l’agresseur doit être sanctionné pour son acte.
Mais un responsable politique ne mérite pas d’être appelé
“responsable” s’il s’arrête à une sanction purement punitive. En effet,
son devoir lui intime de tout faire pour qu’il y ait le moins de
victimes possible et cela implique immédiatement deux choses. D’une
part, il doit penser la peine de façon à minimiser les risques de récidives. D’autre part, il doit chercher à comprendre et à réduire les causes de passage à l’acte en amont.
Dans notre exemple, il serait par exemple irresponsable de se
contenter d’enfermer l’agresseur pendant quelques mois et d’espérer les
yeux fermés qu’à sa sortie, il soit en paix avec la couleur violette. De
même, il faudrait évidemment intervenir d’une manière ou d’une autre
sur l’isolation de ce village et y désamorcer la situation.
Une troisième idée pourrait être d’augmenter drastiquement la peine
en espérant créer un effet dissuasif. À première vue, cela semble
logique. Mais, comme l’a rappelé Ugo Bernalicis sur LCP le 3 juin
dernier : « un tas d’études en sciences humaines montrent que le choc
carcéral qui est monté et mis en avant par la droite et l’extrême droite
ne fonctionne pas dans son but de faire diminuer à la fois la récidive
et à la fois le passage à l’acte ». Comme il le souligne ensuite, « aux US, on a incarcéré des tas de gens pour des durées extrêmement longues avec un impact nul voire négatif ».
Ayant compris cela, des phrases comme « il ne faut pas chercher à comprendre car ce serait excuser
», apparaissent pour ce qu’elles sont : soit de l’ignorance, soit de
l’obscurantisme cynique et démagogue quand la personne qui la prononce
est un/une responsable politique ou un/une journaliste dont c’est le
métier de comprendre ces sujets. C’est malheureusement encore ce que
nous avons pu voir sur l’émission de LCP la semaine dernière.
Alors qu’Ugo Bernalicis venait à peine d’aborder le sujet de « pourquoi ils passent à l’acte, peut-être pourrait-on s’intéresser aux causes », il a été immédiatement interrompu par le député Horizons Loïc Kervran pour lui demander si c’était « pour les excuser ? ». Question empreinte d’ignorance ou de démagogie, à vous de décider.
Agir sur les causes de passages à l’acte et limiter la récidive
Pour assurer la sécurité de la société, il est primordial d’agir de
façon globale et en particulier sur les causes du passage à l’acte.
C’est cette vision que porte LFI. Pour ne prendre qu’un exemple, le
programme l’avenir en commun prévoit un plan ambitieux d’1 milliard d’euros
pour lutter contre les Violences Sexistes et Sexuelles qui s’articule
autour de plusieurs axes prioritaires : prévention, formation, soutien
aux associations et hébergement des victimes.
En ce qui concerne les peines, les statistiques sont implacables. Manuel Bompard le rappelait sur TF1le 4 juin dernier : «
quand il y a une peine de prison ferme, vous avez à peu près 60 % de
récidive, ça tombe à 34 % quand vous avez une peine avec sursis ».
Mais quand on y regarde de plus prêt, quelle surprise y a-t-il là ?
Très loin du soi-disant « Club med » dénoncé par la droite et l’extrême
droite, la prison est avant tout un lieu « d’inhumanité et de violence », pour reprendre les termes de la Ligue des Droits de l’Homme.
Quant à l’isolement de longue durée qui peut être imposé aux personnes
incarcérées, la Commission nationale consultative des droits de l’homme
(CNCDH) le qualifie carrément de « torture blanche ».
L’incarcération ne peut donc se justifier que dans les cas où elle
est la seule solution pour préserver la sécurité de tous. Mais dans les
autres cas, comment espérer qu’en plongeant une personne dans un
environnement violent, où elle va souffrir, probablement perdre son
emploi si elle en avait un et où elle va abimer, voire couper les liens
avec ses proches, comment dans de telles conditions espérer que ça se
passe mieux à la sortie ? Prenons un instant pour répéter ici que oui la
justice se doit d’agir et de sanctionner, mais elle doit le faire dans
le but de réparer et de minimiser la récidive.
C’est donc exactement l’inverse de ce que propose la droite et l’extrême droite qu’il faut faire. Il nous faut au contraire chercher à « dépasser l’horizon carcéral et à promouvoir la réparation et la réinsertion
» à tout prix comme le propose l’AEC. En particulier, dés-incarcérer/
promouvoir d’autres peines pour limiter au maximum la récidive,
embaucher des Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation…
Lorsque l’on parle de prison, il est presque inévitable de ne pas
citer la phrase de Victor Hugo “ouvrez des écoles, vous fermerez des
prisons”. Pour ne pas complètement déroger à cette coutume, en voici une
autre version. Un peu moins jolie certes, mais qui a le mérite de
résumer notre propos : agissez sur les causes et fermez des prisons, vous réduirez le nombre de victimes.