La rencontre avec le Président du Brésil a été très productive. La
délégation insoumise a remis au Président une lettre et le rapport de
Mathilde Hignet contre l’accord Mercosur. Aurélie Trouvé et Eric
Coquerel ont reçu une invitation officielle en tant que présidents de
commission pour une rencontre avec leurs homologues sur ce sujet pendant
la période où le Président brésilien présidera le Mercosur. Le
Président a dit qu’il entendait et approuvait notre préoccupation pour
la paysannerie familiale française. La discussion a aussi montré un
accord complet sur la façon de faire cesser le génocide à Gaza.
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Jean-Luc Mélenchon
Fondateur de La France Insoumise
Luiz Inácio Lula da Silva
Président de la République fédérative du Brésil
Paris, 6 juin 2025
Monsieur le Président
Cher ami,
Je te souhaite à mon tour bienvenue en France.
Nous sommes heureux de ta venue et des discussions avec les autorités de notre pays pour
le bien de nos peuples.
Je te remercie de m’avoir proposé de venir à ta rencontre à l’occasion de ton passage à
Paris.
Nous avons particulièrement apprécié ta prise de position claire et franche sur notre sol
au secours du peuple palestinien martyrisé. Tu as dénoncé à juste titre le génocide
organisé par le premier ministre Benjamin Netanyahu. Nous croyons que plus il y aura de
voix de ta hauteur, qui s’exprime sans ambiguïté, plus grandes seront nos possibilités de
faire interrompre le massacre en cours. Les gouvernements qui regardent ailleurs sont
complices passifs pour la honte de l’humanité.
D’autre part, tes interventions me permettent de savoir combien tu es favorable à la
signature de l’accord Mercosur. Je crois que j’en comprends les raisons d’un point de vue
brésilien. J’ai pensé alors qu’il te serait utile de savoir pourquoi ici nous y sommes opposés
et combien la paysannerie familiale française craint cette signature et ses conséquences.
Il ne s’agit pas seulement de notre opposition au système de la libéralisation aveugle des
échanges commerciaux mondiaux. Nous avons eu l’occasion de voir combien il peut ruiner
nos pays. Dans chaque domaine d’activité, la politique du « moins cher » fait prévaloir des
productions au prix de la surexploitation des travailleurs et du saccage de la nature. Dans
ce domaine précis, couvert par l’accord Mercosur, se posent à nous des problèmes de santé
publique en plus d’une nouvelle et brutale mise en cause de notre souveraineté
alimentaire.
Je joint donc à ce mot un mémoire récapitulatif de nos arguments déjà défendus dans les
assemblées parlementaires nationale et européennes.
Certain de retenir ton attention sur notre point de vue, je te renouvelle l’expression de
notre respect pour ta haute mission au service du Brésil et de ma vive et fidèle amitié
personnelle.
Jean-Luc Mélenchon
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Résumé des raisons pour lesquelles l’accord UE-Mercosur est aux yeux
de la France-Insoumise un accord néfaste pour les agricultures
familiales françaises.
L’UE prévoit de libéraliser totalement 82 % des importations agricoles en
provenance du Mercosur, le reste l’étant partiellement. En retour, les pays du
Mercosur suppriment 93 % de leurs lignes tarifaires pour les importations de
produits agroalimentaires.
Dans notre analyse, cette libéralisation des échanges tire vers le bas les prix à la
production dont dépend la rémunération des agriculteurs et aggrave leur
dépendance envers les marchés mondiaux. Du côté de l’UE, les quotas
d’importations à droits de douane très faibles ou nuls (99 000 tonnes de bœuf, 80
000 t de volaille 650 000 t d’éthanol par an) vont fortement déstabiliser les marchés
européens et la paysannerie familiale française .
De fait, cet accord met en péril des dizaines de milliers d’éleveurs en poussant à
l’agrandissement des exploitations agricoles. Il se fera contre la diversification
agricole des territoires, contre les agricultures vivrières, au profit de l’agrobusiness
d’exportation. Il mettra en péril notre souveraineté alimentaire.
Mais surtout, à nos yeux, l’accord tire vers le bas toutes les normes
environnementales et sociales. Nous ne croyons pas à l’argument des « clauses
miroir » (pour faire respecter les normes sanitaires et environnementales de
chacune des régions). Comment pourrait-il fonctionner face à des différentiels de
coûts liés aux normes sociales ou aux tailles d'entreprises ? Et enfin nous ne croyons
pas que les moyens de contrôle qu’il nécessiterait pour que cela soit efficace soient
jamais déployés compte tenu de leur coût pour les États.
L’accord UE-Mercosur est un accord néfaste pour notre industrie
Les gains éventuels seront concentrés sur quelques grandes multinationales
exportatrices, notamment les constructeurs automobiles allemands (Volkswagen,
BMW, Mercedes), grâce à la levée des droits de douane sud-américains. Ceci au
détriment - nous semble-t-il - de l’industrie sud-américaine. L'accord ne prévoit
aucune protection pour les filières industrielles sensibles (chimie, textile, acier…)
des deux côtés de l’Atlantique.
Là encore, cette libéralisation va tirer vers le bas les prix et toutes les normes
environnementales et sociales, et va augmenter la dépendance vis-à-vis de marchés
internationaux instables.
L’accord UE-Mercosur est un accord du passé, incompatible avec
l'urgence climatique
L’accord UE-Mercosur a été conçu dans les années 1990. Depuis, la crise climatique
s’est nettement amplifiée. Des millions d’hectares de forêts ont disparu. Cet accord
est donc à l’opposé de la crise actuelle que nous vivons et de la menace qu’elle
représente pour la survie de l’espèce humaine. Il repose sur une logique de
croissance des échanges carbonés, augmentant encore les émissions de gaz à effet
de serre alors que nous devons les réduire drastiquement. Il encourage la
déforestation, les transports longue distance, l’agriculture intensive.
Il poussera encore davantage à la conversion de la forêt amazonienne et du Cerrado,
en faveur des terres pour alimenter le cheptel bovin d’exportation.
L’accord UE-Mercosur est un déni de démocratie
L’accord, échappe au débat parlementaire et affaiblit la souveraineté des peuples en
la transférant à des organes technocratiques.