Aller à l’encontre des dernières directives du GIEC, de l’accord de Paris, du devoir de vigilance européen, du principe constitutionnel français de précaution, exproprier des populations de leurs terres et se les accaparer, menacer et faire réprimer des militants écologistes, détruire la faune et la flore dans des endroits protégés, créer une bombe à retardement climatique… La multinationale polluante qui a menti depuis des décennies sur le réchauffement climatique va toujours plus loin en finalisant cette année la construction du plus grand oléoduc au monde en Afrique de l’Est, en pleine nature sauvage. Son nom ? L’EACOP (East African Crude Oil Pipeline)
L’EACOP, un projet écocidaire dangereux qui se concrétise
Total prévoit la construction d’un oléoduc pour cette année en de l’Afrique de l’Est, un oléoduc géant de 1444 kilomètres afin de transporter du pétrole à travers l’Ouganda et la Tanzanie.
400 kilomètres de ce pipeline traverseront le lac Victoria. La multinationale française est l’instigatrice principale de ce projet. Depuis 2006, le pétrole situé en abondance sous le lac Victoria suscite la convoitise. L’oléoduc de TotalEnergies (qui détient 62 % des parts de ce projet) va donc traverser l’immense lac Victoria, et ses précieuses zones humides.
C’est l’un des projets d’extraction d’énergie fossile les plus titanesques en cours de réalisation. Un oléoduc chauffé battant tous les records, dans le but d’exporter du pétrole ougandais vers le monde entier. Afin de réaliser ce pipeline géant, TotalEnergies, les compagnies pétrolières nationales d’Ouganda et de Tanzanie et la Cnooc (une compagnie chinoise) ont créé une holding.
Celle-ci est détenue à 62 % par le français, à 30 % par les deux compagnies pétrolières locales et à 8 % par la compagnie chinoise. Le projet représente un investissement de 8,8 milliards d’euros. En raison de la nocivité du projet, 24 grandes banques se sont toutefois engagées à ne pas soutenir financièrement l’EACOP. (1)
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L’aire géographique concernée, un joyau de l’humanité déjà menacé
Plus grande étendue d’eau douce d’Afrique, deuxième plus grande étendue d’eau douce au monde et abritant une incroyable biodiversité, le lac Victoria partage ses rives entre la Tanzanie, l’Ouganda et le Kenya.
Plus de 40 millions de personnes dépendent quotidiennement de ce joyau de l’humanité avec de nombreux villages de pêche aux alentours. La plupart des habitant•es bordant le lac Victoria vivent de la pêche et de l’agriculture, quasiment en autarcie avec leurs embarcations, et se retrouvent totalement impuissants face à la réalisation de ce projet d’oléoduc. La biodiversité du lac est déjà menacée en raison de la surpêche et des rejets toxiques.
Les conséquences destructrices pour les populations
Un chantier immense qui va contraindre plus de 100 000 personnes à quitter leurs terres. Ce sont les terres de plus de 100 000 personnes qui sont menacées par ce projet géant. Avec la mise en place de délimitations et de bornes, de nombreuses familles, victimes de menaces, d’intimidations et d’arrestations, ne peuvent plus se rendre sur leurs terres. Des familles expropriées de leurs propres sols sans la moindre indemnisation.
L’un des risques majeurs de projet est la possibilité d’une contamination des deux plus grandes réserves d’eau douce d’Afrique de l’Est (les lacs Victoria et Albert). Conséquences ? cela pourrait empêcher l’accès à l’eau potable et à la nourriture pour plus de 40 millions de personnes. (2)
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Les conséquences destructrices sur la nature et le climat
400 puits de forage sont nécessaires pour donner vie au projet EACOP
Le projet prévoit la création de six champs pétrolifères ainsi que le forage d’environ 400 puits répartis sur 31 emplacements, dont une partie est située dans une aire naturelle protégée en Ouganda. L’objectif est d’extraire entre 190 et 220 000 barils par jour et de le transporter via ce qui sera le plus grand oléoduc chauffé au monde, si l’EACOP voit le jour.
L’estimation de la pollution fait froid dans le dos : 34 millions de tonnes de CO2 supplémentaires seront émises par an ! Des émissions équivalentes à 25 fois les émissions totales actuelles de l’Ouganda et de la Tanzanie.
16 aires naturelles protégées seront défigurées par l’EACOP
Les caractéristiques du pétrole du projet EACOP nécessitent en effet qu’il soit maintenu à 50 °C durant son transport. Sur son chemin, 16 aires naturelles protégées seront traversées. Concernant les aires naturelles mises en danger par l’EACOP, cela concerne notamment le Parc national des chutes d’eau de Murchinson en Ouganda.
Une menace pour les espèces animales
Lions, chimpanzés, antilopes, serpents, singes, zèbres, lions, hippopotames… Autant d’espèces qui s’épanouissent dans la zone concernée et que l’oléoduc va menacer. Une biodiversité très riche mis déjà en déclin avec un risque d’extinction d’espèces en augmentation. (3)
Une bombe climatique à retardement, illégale au regard du droit international, européen et français
Un projet contraire aux engagements internationaux
L’oléoduc géant en pleine nature sauvage va contrevenir à plusieurs grands engagements internationaux, il constitue une pollution supplémentaire qui va totalement à l’encontre des dernières directives du GIEC, qui plus est.
263 organisations de la société civile ont demandé aux agences de financement de ne pas soutenir ce projet d’oléoduc géant en raison des dommages écologiques et sociaux pour les populations concernées.
Il contrevient à la Convention sur la biodiversité et la Convention de Ramsar sur les zones humides en raison de la menace avérée contre les espèces animales. Le projet EACOP va à également à l’encontre de l’Accord de Paris pour le climat (COP21) dont l’objectif est de maintenir l’augmentation de la température moyenne en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux pré-industriels. L’accord de Paris implique de réduire drastiquement les émissions de CO2 notamment pour les compagnies pétrolières et non de les augmenter de 34 millions de tonnes par an.
Un projet qui ne respecte pas le principe de précaution. Ce principe entériné lors du sommet de Rio en 1992 déclare qu’il convient de prendre des mesures de gestion afin de prévenir des dommages potentiels graves sur l’environnement et la santé. Ce qui implique, par précaution, de ne pas prendre le risque de contaminer les eaux douces des deux lacs concernés. Un projet contraire au droit européen, donc.
Un projet contraire au devoir de vigilance et au principe de précaution
En 2022, le Parlement européen a voté une résolution en urgence dénonçant des violations des droits de l’homme, des actes d’intimidation et des risques immenses pour les communautés locales, l’environnement et le climat. Par l’adoption de cette résolution, le Parlement européen a notamment demandé à TotalEnergies de mettre fin aux forages et l’indemnisation des personnes expropriées.
Ainsi, la nouvelle directive européenne sur le devoir de vigilance, adoptée le 24 avril 2024 exige des entreprises (dont les multinationales) et de leurs partenaires de prévenir et de mettre fin à leurs activités en cas d’incidences négatives, réelles ou potentielles sur les droits humains et l’environnement, ce qui est le cas en l’espèce.(4)
Le principe de précaution pré-cité est devenu constitutionnel en droit français en 2007. Les inscriptions dans la Constitution de la règle verte et de la règle bleue proposées par La France Insoumise viendront renforcer l’arsenal juridique constitutionnel visant à prévenir toute atteinte potentielle à l’environnement.
Il est temps de faire payer les grands pollueurs. Par une régulation stricte des activités climaticides à l’heure où la planète brûle, le gouvernement français doit imposer à Total la fin de ce projet écocidaire, cesser de vouloir à tout prix satisfaire les désirs financiers hors-sol d’une poignée d’actionnaires, protéger les populations concernées et lutter réellement contre le réchauffement climatique en commençant par interdire tout nouveau projet écocidaire par les multinationales et grandes entreprises françaises.
Par Arthur Abbatucci
(1) https://www.stopeacop.net/ À souligner l’initiative pas d’argent, pas de pipeline de la
part de STOP EACOP
(2) Un risque avéré de contamination des eaux en cas de contamination d’après un
rapport des amis de la Terre, paru en 2022
(3) Selon un rapport de l’UICN (Union Internationale de Conservation de la Nature) qui
incite à mettre en place des plans de sauvegarde de la biodiversité
(4) Directive 2024/1760
Sources:linsoumission.fr