Oui, aujourd’hui, il est député indépendant, il a été suspendu, puis réintégré par le comité exécutif national, mais Starmer a décidé de l’exclure quand même en contravention de toutes les recommandations qui avaient été faites dans le rapport que Corbyn n’a même pas contesté. Corbyn a dit bien sûr que l’antisémitisme existe, il n’est pas question de le contester, mais que son ampleur dans le parti travailliste a été vastement exagérée. Ce qui est absolument et indéniablement vrai. En dehors de Corbyn il y en a un paquet d’autres qui ont été soit rappelés à l’ordre, soit exclus. L’autre cas célèbre, c’est Ken Loach, quand l’Université libre de Bruxelles (ULB) a voulu lui remettre un titre de docteur Honoris causa, il y a même eu une campagne pour dire qu’il était négationniste. Alors il y a bien sûr des réactions contre ça de tout un tas d’organisations de gauche, par exemple tu as la Jewish Voice for Labour, ce sont des gens qui ont leur site, qui contre-argumentent en permanence et qui défendent des positions de gauche antisioniste, mais la question c’est que ça ne passe pas le seuil du reporting, ça ne perce pas dans les grands médias.
Et pour finir, est-ce que tu peux nous dire un mot de la situation actuelle ? Keir Starmer était soutenu par le Sun, le parti travailliste complètement recentré – à tel point qu’un éditorialiste célèbre du Guardian a annoncé rendre sa carte du parti –, est-ce qu’on est repartis pour vingt ans d’une resucée de blairisme ?
La réélection de Corbyn dans sa circonscription, avec une très large majorité, et contre une campagne du Labour très déterminée à l’éliminer enfin complètement de la scène politique met un peu de baume au cœur. L’élection de quatre autres indépendants pro-palestiniens positionnés contre le Labour inconditionnellement pro-Israël, est aussi un motif d’encouragement. À quoi il faut ajouter que le Labour 2024, « responsable », ouvertement repositionné à droite sur un ensemble de questions, et qui a donc fait l’objet d’un traitement médiatique tout à fait bienveillant, obtient 500 000 voix de moins qu’en 2019, défaite de Corbyn dramatisée, présentée comme la pire de l’histoire travailliste, afin de mieux justifier le réalignement droitier du parti et de préparer l’exclusion de ses composantes plus à gauche. Bref, il y a quelques leçons encourageantes à tirer de cette affaire, et malgré les apparences dues au mode de scrutin (qui induit une distorsion sans précédent entre vote et majorité parlementaire), on doit constater que manifestement, le Labour de Starmer, même après 14 ans d’agression sociale et d’extrémisme tory, ne fait pas rêver, pour dire le moins, et on est très, très loin de l’euphorie qui avait accompagné pour un temps la première élection de Blair en 1997.