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mercredi 14 mai 2025

EPR2 : la relance du nucléaire à tout prix, une alerte passée sous le tapis.

 Le 27 février 2025, une lettre du garant du débat public sur les deux réacteurs nucléaires EPR2 prévus à Bugey (Ain) est publiée sur le site de la Commission nationale du débat public (CNDP), autorité indépendante chargée de garantir le droit à l’information et à la participation du public sur les projets ayant un impact environnemental. Elle dénonce un manque d’informations clés : coût, financement, cadre législatif. Trois heures plus tard, la lettre est retirée. L’épisode illustre la méthode macroniste suivie pour relancer le nucléaire : décisions imposées, données absentes, débat verrouillé.

Annoncé en 2022 par Emmanuel Macron, le programme EPR2 prévoit six réacteurs construits sur les sites de Penly, Gravelines et Bugey, pour une mise en service autour de 2040. Présenté comme une réponse à l’urgence climatique, il soulève de nombreuses questions : explosion des coûts, dépendance aux importations, montage financier risqué, exclusion des alternatives. Un choix énergétique qui en dit long sur le modèle politique qu’il sous-tend. Notre article.

Un débat verrouillé

Le 27 février, David Chevallier, garant du débat public sur les EPR2 de Bugey, publie une lettre adressée à la CNDP. Il y signale l’absence de chiffrage actualisé, de plan de financement et de cadre législatif clair. EDF reporte la présentation de son devis à fin 2025, bien après la clôture du débat. La lettre est retirée du site quelques heures après sa publication.

L’épisode illustre la faiblesse du processus en cours. Les informations fondamentales manquent. La discussion est lancée sans base solide. Le débat est réduit à un habillage démocratique autour d’une orientation déjà actée.

Pour aller plus loin : Uranium : une mythique envolée et la place fondamentale de la France

EPR 2 : un coût qui échappe à toute maîtrise

Le coût du programme EPR2 ne cesse de grimper : 51,3 milliards d’euros en 2021, 67,4 milliards en 2024, 79,9 milliards selon la Cour des comptes début 2025. Son président évoque désormais une enveloppe « susceptible de dépasser les 100 milliards ».

Aucun devis actualisé n’est communiqué. Le public est invité à se prononcer à l’aveugle sur un projet à trois chiffres. L’exemple de l’EPR de Flamanville, avec ses douze ans de retard et son budget multiplié par cinq, n’a pas servi de leçon. La dérive budgétaire semble désormais structurelle.

Une consultation sans fondement démocratique

Depuis le discours de Belfort d’Emmanuel Macron, le calendrier s’est accéléré. Mais les fondations légales et démocratiques font défaut. Aucune loi de programmation énergie-climat. Aucun cadrage sérieux des besoins futurs. Aucun examen rigoureux des alternatives, notamment les scénarios 100 % renouvelables.

La consultation est lancée sans réelle possibilité d’amendement. Elle valide l’existant, sans ouvrir de champ des possibles. La démocratie environnementale est reléguée au second plan.

La facture pèse sur les finances publiques

Le financement du programme EPR2 repose sur deux instruments : un prêt bonifié de l’État et un contrat pour différence garantissant un prix de vente de l’électricité à 100 €/MWh. Le prêt, accordé à un taux réduit, pourrait couvrir plus de la moitié des coûts. D’après l’association Énergies renouvelables pour tous, il représenterait au moins 56,7 milliards d’euros, même dans l’hypothèse la plus favorable.

Le contrat pour différence engage quant à lui l’État à compenser la différence si le coût de production dépasse le prix garanti — ce qui est déjà le cas selon les estimations de Greenpeace, qui évaluent le coût réel au-delà de 150 €/MWh.

Un semblant de souveraineté

Le chef de l’État dit du nucléaire qu’il est un pilier de la souveraineté énergétique. Dans les faits, la France dépend entièrement de l’uranium importé. Le Niger a mis fin à sa coopération. La Russie reste un fournisseur central. EDF se tourne vers la Mongolie et l’Ouzbékistan. La souveraineté se construit sur le territoire, pas dans la dépendance aux régimes autoritaires.

Les énergies renouvelables, en revanche, sont locales, stables, adaptables aux territoires. Leur développement permettrait une reprise en main réelle des capacités de production. Mais elles sont toujours reléguées au second rang dans les choix budgétaires.

Une autre trajectoire est possible

La transition énergétique ne passe pas uniquement par la production. Elle implique de réduire les besoins. La rénovation thermique permettrait de diminuer drastiquement la consommation tout en luttant contre la précarité énergétique. Le développement du solaire, de l’éolien, de la géothermie, associé à des réseaux intelligents et au stockage, offre une alternative concrète, rapide et maîtrisée.

Les scénarios 100 % renouvelables, défendus par La France insoumise depuis des années, sont techniquement viables. Le financement existe, à condition de rompre avec les logiques d’investissement imposées. La réorientation des dizaines de milliards engagés dans le nucléaire permettrait de structurer une transition énergétique juste, planifiée, partagée.

Ce que révèle le dossier EPR2

Ce projet révèle deux impasses : une politique énergétique hors de contrôle, et une démocratie environnementale fragilisée. La lettre censurée du garant n’est qu’un symptôme. Les informations sont retenues, les alternatives invisibilisées, le débat neutralisé. La relance industrielle du nucléaire, présentée comme une évidence stratégique par la macronie, est une fausse route. Coûteuse, lente, dépendante de ressources importées, elle détourne les investissements nécessaires à une véritable bifurcation énergétique. Elle fige pour plusieurs décennies une trajectoire incertaine, au moment où la rapidité et la souplesse d’adaptation sont cruciales.

Face à cela, La France insoumise défend une autre orientation. Réinvestir dans la rénovation, les énergies renouvelables, les régies publiques. Reprendre la main sur la planification. Sortir progressivement du nucléaire, en sécurisant l’approvisionnement, en garantissant la justice sociale, et en respectant l’exigence climatique. Définir les priorités à partir des besoins du pays, pas des intérêts d’un secteur. Ce choix est politique. Il ne peut pas rester confisqué.

Par M.B.

Crédits photo : « Centrale nucléaire de Flamanville en 2023 », Tristan Kamin, Wikimedias Commons, CC BY-NC-ND 3.0 FR, pas de modifications apportées.

Sources:linsoumission.fr
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