Si les deux syndicats désirent une “véritable politique de lutte contre les surtranspositions” (p.7), il faut noter que, comme l’a rappelé à plusieurs reprises la ministre démissionnaire Agnès-Pannier Runacher, déléguée auprès du ministre de l’Agriculture, les néonicotinoïdes sont le seul cas que l’on pourrait juger de surtransposition. Ces insecticides extrêmement dangereux ont fait l’objet d’une interdiction nationale antérieurement à une décision européenne. Par ailleurs cette interdiction s’appuie sur l’avis des scientifiques, en particulier de la Task Force sur les pesticides systémiques (TFSP) qui regroupe des chercheurs indépendants de plus de 24 pays et qui relève que : « nos travaux décrivent les caractéristiques particulières de ces pesticides et leurs graves impacts sur l’environnement, sur la biodiversité et sur la santé publique ». Néanmoins, c’est bien leur réautorisation que propose la FNSEA et les JA à l’article 10 de leur proposition de loi irresponsable.
Pour poursuivre la robotisation de l’agriculture et faciliter son recours aux pesticides, les syndicats proposent l’autorisation de la pulvérisation par drone, lorsque cela présente “des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications terrestres sur les parcelles en pente, les cultures submergées, les bananeraies, et les vignes” et d’ouvrir des programmes d’expérimentation pour d’autres types de culture. Or, une note de l’ANSES sur ce sujet des drones conclut sur la nécessité de poursuivre les expérimentations pour toutes les cultures et de consolider la méthodologie des essais. Sur les 74 essais menés toute culture confondue : 5 sont exploitables parmi les 12 menés par la Chambre d’Agriculture de l’Ardèche sur la vigne ; 1 seul essai mené par Cymdrones sur la vigne et visant à tester l’efficacité biologique est valide ; le seul essai mené sur les bananeraies est partiellement valide ; tous les autres, soit 67 essais sur les 74 attestent d’un manque d’informations sur le protocole ou d’une absence de notation ou n’offrent pas de comparaison entre les modalités testés.
Les syndicats semblent également juger utile de supprimer le conseil stratégique (art.L254-6-2 CRPM) alors que celui :
- “a pour objet de fournir aux décideurs des entreprises utilisatrices de produits phytopharmaceutiques non soumises à l’un des agréments prévus à l’article L. 254-1, les éléments leur permettant de définir une stratégie pour la protection des végétaux (..)“
- “est fondé sur un diagnostic comportant une analyse des spécificités pédoclimatiques, sanitaires et environnementales des espaces concernés. Pour les exploitations agricoles, ce diagnostic prend également en compte l’organisation et la situation économique de l’exploitation et comporte une analyse des moyens humains et matériels disponibles, ainsi que des cultures et des précédents culturaux et de l’évolution des pratiques phytosanitaires.“
- n’est pas requis “lorsque l’exploitation agricole (…) est engagée, pour la totalité des surfaces d’exploitation, dans une démarche ou une pratique ayant des incidences favorables sur la réduction de l’usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques et figurant sur une liste établie (…) .”
Il s’agit ainsi d’un signe clair que ces acteurs du monde agricole ne souhaitent pas engager l’agriculture dans une réduction de l’utilisation des pesticides, bien au contraire !
Ceci n’est qu’un aperçu du contenu de cette proposition de loi rétrograde qui vise clairement à lever toute protection de l’environnement et de la santé publique au bénéfice de l’usage facilité des pesticides et d’un modèle agricole non durable.. Nous n’avons traité qu’une partie de certains articles (articles 1, 2, 9 et 10) tant les critiques à faire sur l’ensemble du texte sont nombreuses.
Face à l’irresponsabilité de ces acteurs au regard de l’effondrement de la biodiversité et de la protection des ressources en eau potable et des milieux, nous appelons l’ensemble des associations œuvrant dans ce domaine et la classe politique à s’opposer à cette proposition de loi faisant fi de toute considération scientifique et ignorant l’intérêt générale.
Générations Futures utilisera tous les moyens légaux à sa disposition pour mettre en échec cette proposition de Loi d’un autre temps, néfaste tant pour l’humain que pour l’ensemble du vivant.
Sources: Générations futures.fr